Notes théologiques

London, British Library, MS Arundel 213 (5v-6r)
London, British Library, MS Arundel 213 (5v-6r)

The British Library Digital Catalogue of Illuminated Manuscripts
** The British Library**
(Reproduit avec l’autorisation de la British Library)
© British Library Board. London, British Library, MS Arundel 213.

== Transcription ==
Extraits et notes, VIIIe – IXe siècle, abbaye de Saint-Jacques de Wurtzbourg.

Londres, British Library, Ms. Arundel 213, fol. 5v- 6r

[5v] Dauuit propheta dixit. « Qui pecuniam suam non dedit ad usuram et munera super innocentem non accepit »(1) . Et in lege Moysi scriptum est : « Si in paupertate frater tuus venerit ad commutare(a) et sublevare debeas ne sit in paupertate. »(2) Et alibi Dominus per profetam dicit : « Usuram et superhabundantiam nolite recipere »(3). Superhabundantiam id est in melioratam rem, quia propter ea Dominus sacerdotes de templo ejecit ementes et vendentes(4). Ergo anona et vino unusquisque quam prestat, non recipiat amplius. Et Spiritus sanctus per Salomonem dixit : « M[a]ledictus(b) homo qui abscondit frumenta et benedictio super capta vendentium »(5) et prestantium. Et cui Deus dedit intellectum vel sapientiam(6) et hoc vendere voluerit(c), non debet, ut dicitur : « Eme sapitentiam et noli vendere eam »(7), quia qui ipsam vendere voluerit usura dicitur, quia Dominus in evangelio sic dixit : « Gratis accepistis gratis date »(8). Et qui usuras non accepit perfectionem adhuc intellegit, ut dicitur : « Frange esurienti panem tuum et egenos vagosque, qui(d) sunt sine tecto, induc in domum tuam et cum videris nudum operi eum et carnem tuam ne dispexeris(e) »(9) . Et Dominus per Esaiam profetam dixit : « Qui excutit manus suas ab omni(f) munere, iste in excelsis habitat »(10). Est munus(g) a manu et est munus ab ore et munus ab obsequio(11). Et alibi dixit : « Beatius(h) est dare magis(i) quam accipere »(11). Et Dominus dicit : « Qui petit a(j) te da ei et volenti mutuare(k) a te ne(l) advertaris »(13). Mutare hoc est in promutare. Et(m) in Deuternomio scriptum est : « Non fenerabis fratre tuo ad usuram pecuniam, nec fruges nec quamlibet aliam rem, fratri autem tuo(n) absque usura id quo(o) indiget accommodabis, ut benedicat tibi Dominus Deus tuus in omne tempore »(14). Et dicit : « Si emeris servum Hebreum sex annus(p) seruiat(q) tibi septennium(r) et demitte eum [6r] liberum »(15). Dum ipsa ueritas ait : « Non veni legem soluere sed et implere »(16). Quia lex per Moysen data est, gratia et veritas per Ihesum Christum facta est. Ergo in melius commutata est gratia per Filium in nouo testamento quam lex per seruum(s) in veteri(t) testamento.
VIII. De penitentia.
Dominus in evangelio dicit : « Paenitentiam agite. Appropinquavit enim regnum caelorum » (17). Et alibi dicit : « A diebus autem Johannis Baptistae usque nunc regnum caelorum vim patitur, et violenti(u) diripiunt illud »(18), id est dum peccator paenitens intrat. Sicut « aqua extinguit ignem ardentem »(19) sic paenitentia delebit crimina fontibus lacrimarum. Qui non penitet, modo nudus remanebit in umbra mortis. Qui vero timet Deum(v) per paenitentiam inluminatur(w). O paenitentia rutilentior(x) auro, splendidior sole, sine qua non est vivere nec Deo placere. Johannes(y) Baptista clamat « facite fructus dignos(z) paenitentiae »(20), quando ecce adest regnum Dei. Explicit

(a) vel accomodare dans l’entreligne. – (b) mediledictus corr. mledictus. – (c) voluerit peut-être exponctué par  – (d) qui ajouté dans l’entreligne. – (e) dispe [une lettre effacée par grattage] eris, avec ex ajouté dans l’entreligne. – (f) omne corr. omni. – (g) manus corr. munus. – (h) Beatus corr. beatius. – (i) magis ajouté dans l’entreligne. – (j) a suivi d’un espace gratté. – (k) mutare corr. mutuare. – (l) adtende corr. a te ne. – (m) de barré suivant Et. – (n) fratrem autem tuo corr. en f. a. tuum par addition de um dans l’entreligne puis l’ensemble est supprimé par soulignement et remplacé par fratri autem tuo dans l’entreligne. – (o) quod corr. par exponctuation quo. – (p) sic pour annos. – (q) serviet corr. serviat. – (r) septimum corr. fautivement septennium. – (s) seruo corr. seruum. – (t) vetus corr. veteri. – (u) volenti corr. violenti. – (v) deo corr. deum. – (w) inluminator corr. inluminatur. – (x) vel radiantior ajouté dans l’interligne. – (y) Johannis corr. Johannes. – (z) dignus corr. dignos.

  1. Ps 14, 5.
  2. Cf. Lev. 25, 39.
  3. Ez 18, 17.
  4. Cf. Jn 2, 15.
  5. Pr 11, 26.
  6. Cf. Ex. 36, 1.
  7. Pr 23, 23.
  8. Mt 10, 8.
  9. Is 58, 7.
  10. Is 33, 15 et 16.
  11. Gregorius Magnus, Moralia in Job, lib. XII, par. 54 (CCSL 143A), et Homiliae in Evangelia, lib. I, hom. 4 (CCSL 141).
  12. Ac 20, 35 ; cette phrase est attribuée au Christe dans les Actes : « ac meminisse verbi Domini Jesu quoniam ipse dixit (Ac 20, 35) », alors qu’aucun des évangiles ne contiennent cet enseignement.
  13. Mt 5, 42.
  14. Dt 23, 19-20.
  15. Ex. 21,2.
  16. Mt 5, 17.
  17. Mt 3, 2
  18. Mt 11, 12
  19. Eccli 3, 33
  20. Lc 3, 8

== Note sur la transcription ==
Dans cette transcription, nous avons choisi d’utiliser l’italique pour indiquer une rubrique et de ne pas indiquer les abréviations, au demeurant assez peu nombreuses (voir commentaire paléographique).
A des fins de bonne lecture et de meilleure compréhension, nous avons restitué les signes j et v. Vu l’ancienneté du texte manuscrit, un autre choix aurait parfaitement pu être envisagé pour mettre en valeur le système graphique du scribe, si celui-ci avait fait un usage remarquable de formes V ou I long.

== Commentaire paléographique ==
Le texte est écrit en une minuscule anglo-saxonne régulière, apparemment assez facile à lire. Des difficultés, voire de véritables chausse-trapes, sont pourtant disséminées tout au long du texte.
S / R. La lettre R est tracée comme un s long, mais revient systématiquement se poser sur la ligne, pour se fermer presque comme un n. C’est l’un des écueils de ce texte, en particulier à la fin, dans le mot sex si facilement lu ‘rex’, ou bien dans les abrévations dr avec tilde, prise par beaucoup pour ‘ds’ (Deus), ou encore fr rarement bien lu.
– ligature à partir du E. Un point d’achoppement est constitué par la faculté de la lettre E à se lier par la barre horizontale à la lettre qui suit. Au début de la ligne 7, dans deux mots consécutifs : et vendentes ; à la ligne 8, per. La ligature et intervient naturellement aussi en milieu de mot (profetam). La ligature EG est trompeuse, car elle complète la lettre G à laquelle notre oeil est habitué (cf. et egenos à la ligne 14).
– abréviation per de forme remarquable (P avec une petite crête).
– les corrections sont assez nombreuses, reflétant un état initial assez défectueux. Deux grands « classiques » de la correction médiévale se donnent déjà à voir : l’exponctuation (‘inluminator’ corrigé en ‘inluminatur’ au feuillet 6r) et l’insertion d’une leçon variante par le mot vel dans l’entreligne, celui-ci étant abrégé par la lettre l barrée.

Un exercice : la minuscule caroline

Le premier cours n’est pas encore complétement rapporté ici, puisque nous sommes allés jusqu’à l’an mille. Ou plutôt jusqu’à la minuscule caroline. Le panorama était certes plutôt rapide, mais devait tout de même permettre de se faire une idée de la diversité des écritures avant l’unification (partielle) à l’époque carolingienne.
Ce sera l’objet d’un prochain billet (histoire de l’écriture, les écritures nationales).

Dans ce billet, voici le premier ‘test’ pour évaluer les compétences de lecture des étudiants.

D’abord, il faut noter l’emploi d’une élégante écriture onciale pour la rubrique de l’adresse qui vaut titre : « Beatissimo papae Damaso Hieronimus ». D’autres pages du même manuscrit montrent également l’emploi d’une capitale rustique (notamment le feuillet 7r).

Le texte lui-même, à l’encre brune, est écrit en une régulière minuscule caroline, légèrement inclinée vers la droite.
Ce choix, pour un premier texte à transcrire, est assez naturel. C’est une écriture facile à lire, claire, qui permet de s’initier aux petites difficultés constantes de la paléographie médiévale.
En particulier :
scriptio continua, c’est-à-dire absence de séparation des mots (ici, la séparation est rare, mais non complètement absente).
S longs
– ligatures (entre autres : ET dans de ceteris et retrahere ; RI dans exemplaria et scripturarum à la ligne 2 et variant à la ligne 4, ST à la première ligne dans ut post etc.)
e cédillé dans presumptio
– tilde pour les nasales (canescentem et mundum aux lignes 7 et 8 )
– signe tironien -us sous la forme d’un 9 dans ab omnibus.

D’un point de vue codicologique, on notera particulièrement la réglure à la pointe sèche, bien reconnaissable sur ce cliché.

Porrentruy, BCJ, ms. 34 (1r)
Porrentruy, Bibliothèque cantonale jurassienne, ms. 34 (1r)

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